Besoins essentiels :
 
l'expérience du collectif Pourquoi pas dimanche

Synthèse des 4 rencontres ouvertes organisées par le collectif entre mars et mai 2025



Satisfaire nos besoins essentiels, voilà ce que nous voulons ! Mais comment nous y prendre ?

Et d'abord, quels sont nos besoins essentiels ?

Avons-nous tous les mêmes ? Comment répondre aux besoins essentiels des uns sans sacrifier ceux des autres ? Qui décide de ce qu'est un besoin essentiel ? A quoi ressemblerait une société qui permette à tout le monde de satisfaire ses besoins essentiels ? Que serait une politique visant à satisfaire les besoins essentiels de la population ?

Le collectif Pourquoi pas dimanche s'est lancé dans l'exploration de ces questions.

Voici :
1) la méthode que nous avons utilisée, qui est très simple et très facilement reproductible, et
2) les premières grandes lignes d'un projet politique fondé sur la satisfaction des besoins essentiels auxquelles nous sommes arrivées.

1. La méthode : comment partir de la satisfaction de nos besoins essentiels personnels pour arriver à un projet politique.


Nous avons fait ce chemin au moyen de 4 rencontres ouvertes à tous et toutes, des rencontres d'une heure et demie chacune, consacrées chaque fois à une question différente. Il n'était pas nécessaire de participer à l'ensemble des rencontres.

Rencontre I : Réfléchir ensemble à nos besoins essentiels personnels.


Pour beaucoup, c'était un premier questionnement.
• Qu'est-ce qui est nécessaire à ma vie ?
• Qu'est-ce qui, pour moi, fait que la vie vaut d'être vécue ?
• De quoi ne puis-je pas me passer ?
• Qu'est-ce qui fait que je me sens bien ?
• Quelle est la différence entre désirs et besoins essentiels ?
• Quelle est la différence entre besoins vitaux et besoins essentiels ?
• Certains de mes besoins relèvent-ils de l'action de l’État et d'autres de la sphère privée ?
• Les besoins essentiels sont-ils universels ?

Telles sont quelques unes des questions qui ont été posées par les participant-es.

Après une courte introduction permettant de faire la distinction entre besoins essentiels et stratégies pour y répondre (inspirée des travaux de la communication non-violente), les personnes présentes ont été invitées à prendre un temps de réflexion pour choisir, parmi leurs propres besoins essentiels, 4 besoins à partager avec le groupe.

Elles les ont inscrits au gros feutre sur des feuilles A5 pliées en deux distribuées préalablement, puis elles ont été invitées à venir les présenter brièvement au groupe en les accrochant sur deux fils à linge tendus dans la salle. Elles ont également été invitées à expliquer en quelques mots comment elles avaient défini ce qu'étaient leurs besoins essentiels.



Quelques exemples de réponses données :
• "Parce que je meurs si j'ai pas ça"
• "J'ai pensé aux problèmes que je rencontre dans ma vie et que j'ai besoin de résoudre pour être bien"
• "Je me suis imaginée femme vivant il y a 6000 ans et aujourd'hui pour voir de quoi a besoin une femme à toutes les époques"
• "Parce que je ne pourrais pas m'en passer"
• "Parce que c'est fondamental pour moi", etc.


Les besoins essentiels mis en image par Annaé Guellec



Précisons qu'il ne s'agit pas là d'un travail à visée exhaustive ou d'une tentative d'établir notre propre liste de besoins essentiels : il s'agit "seulement" d'une réflexion personnelle et d'un partage avec les autres.



Rencontre II : Repérer les freins et les conditions sociales nécessaires à la satisfaction de mes besoins essentiels.


Après une brève présentation de ce qui s'était dit à la première rencontre, les participants et participantes ont cette fois été invité-es à répondre à deux nouvelles questions :

- Qu'est-ce qui, dans la société actuelle, m'empêche de répondre à mes besoins essentiels ?
- Qu'est-ce qui, dans la société actuelle, me permet de répondre à mes besoins essentiels ?

Chacun disposait de post-its à volonté (oranges pour ce qui m'empêche, verts pour ce qui me permet). Puis chacun à tour de rôle est venu les placer sur deux grandes feuilles : une "ce qui m'empếche" et une "ce qui me permet", en les expliquant.

Quelques exemples de réponses données.

Ce qui m'empêche :
"les inégalités", "la société de consommation", "moi-même", "certaines de mes croyances limitantes", "la prédation généralisée des oligarchies", "les pollutions", "lois absconses"...

Ce qui me permet :
"ma retraite (revenu)", "la protection sociale", "mon travail", "le pétrole", "la nature sauvage", "ma capacité de désobéir", "la liberté de me déplacer", "mes ressources personnelles"...






Rencontre III : Poursuivre l'exploration des conditions sociales nécessaires à la satisfaction de nos besoins essentiels.



Après un rappel de la démarche et des résultats des deux premières rencontres, avec un temps pour regarder le pêle-mêle de la rencontre I et les post-its de la rencontre II regroupés par thèmes, les personnes présentes ont été invitées à compléter la phrase suivante :

"Une société qui nous permette de répondre à nos besoins essentiels doit être organisée de manière à garantir..."

Nous sommes passés des besoins essentiels personnels aux besoins essentiels collectifs, qui prennent ainsi une dimension politique.
Après un moment de réflexion personnelle, les personnes qui le souhaitaient ont complété la phrase en expliquant leur proposition. Cela a suscité plusieurs discussions sur le fond.

Quelques exemples de compléments :
"la liberté d'expression", "la solidarité", le fonctionnement démocratique", "un ordre juridique efficace et sanctionné", "la sécurité", "la production de biens et d'énergie", "une école universelle, gratuite, forte", etc...




Là encore, il ne s'agissait pas d'être exhaustif et d'identifier toutes les conditions à remplir par la société, mais "seulement" d'élargir la réflexion et de repérer ce qui fait l'articulation entre besoins essentiels et organisation sociale.



Rencontre IV : Tracer les grandes lignes d'un projet politique fondé sur la satisfaction de nos besoins essentiels.


Les propositions de la rencontre III avaient été regroupées préalablement en 5 grandes"familles", que les personnes présentes ont été invitées à compléter :

- fonctionnement démocratique :
par exemple élections libres, médias pluralistes, justice indépendante, "académie" citoyenne des sciences, souveraineté économique...

- nos conditions d'existence :
par exemple prendre en compte l'écosystème qui nous fournit nourriture, eau, air..., contrat naturel avec le non-humain, assurer un revenu digne à chacun et chacune, robustesse (dans le sens donné par Olivier Hamant), des projets évaluée démocratiquement...

- des modes d'organisations à différentes échelles :
par exemple Etat, entreprises, associations... sécurité sociale, éducation...

- des ressources :
par exemple contrôle démocratique pour utiliser les ressources collectives/communes (terre, eau, bois, métal, plastique, énergie...) pour produire les biens essentiels... économie circulaire, régénération des ressources, production utilisant les cycles de la nature, souveraineté alimentaire...

- la paix et des relations internationales apaisées :
par exemple libre circulation d'un pays à l'autre, éducation à la paix et à une communication respectueuse, laïcité...




En partant de nos besoins essentiels personnels, nous sommes ainsi arrivé·e·s aux grandes lignes d'un projet politique visant à assurer la satisfaction des besoins essentiels de la population.
Ces grandes lignes restent bien entendu à affiner et compléter, notamment par le travail d'autres groupes qui voudraient utiliser notre méthode (ou une autre) pour réfléchir à la manière dont la satisfaction de nos besoins essentiels peut guider un projet politique novateur.



2. Premières conclusions : les conditions qui permettent la satisfaction de nos besoins essentiels fondent les grandes lignes d'un projet politique.


En partant de nos propres besoins essentiels, nous avons constaté que leur satisfaction nécessite un environnement favorable : en résumé, il nous faut un monde en paix et vivable, et une société démocratique.

Par exemple :

- la guerre est une menace radicale à notre sécurité.

- la pollution de l'eau, de l'air et des sols nous empêche d'être en bonne santé.

- les sécheresses compromettent nos capacités à nous nourrir.

- les régimes autoritaires et les dictatures conduisent des politiques qui épuisent les ressources dont nous avons besoin.

- les régimes autoritaires et les dictatures entravent notre liberté, notre dignité, notre épanouissement, notre aspiration profonde à la justice...

- etc.

Nous avons donc commencé à construire un projet politique basé non pas sur des valeurs ou une idéologie, mais fondé sur les conditions nécessaires à la satisfaction de nos besoins essentiels.

Cette approche permet de partir de ce qui nous est commun et nous rassemble.
Elle nous permettra d'arbitrer ensemble, au-delà de nos différences, les actions à mettre en œuvre pour que, dans l'avenir et pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, chacune et chacun puisse satisfaire ses besoins essentiels.

Le beau et ambitieux programme !


Voici donc les premières grandes lignes d'un projet fondé sur la satisfaction
des besoins essentiels.


Elles restent bien sûr à enrichir et à retravailler.

• Pour répondre à notre besoin de sécurité, nous devons être protégés des guerres, des violences d'où qu'elles viennent, des menaces climatiques...

En conséquence, un projet politique qui a pour objectif de garantir notre sécurité doit travailler à des relations internationales apaisées (et donc prendre en compte la satisfaction des besoins essentiels des habitants de tous les pays), à restaurer un climat national serein, à garantir des relations femmes et hommes équilibrées...
bref, à tout ce qui mène à la paix.

• Pour répondre à nos besoins physiologiques comme respirer, boire et manger, nous avons besoin d'un environnement favorable :
un air pur, une eau et de la nourriture de bonne qualité en quantité suffisante.
Pour être en bonne santé physique, nous devons être nourris avec des aliments sains, ne pas être exposé·e·s aux polluants, au bruit, au stress (on retrouve la paix!), être protégé-es des maladies...
La biodiversité, par exemple, est nécessaire à la fois pour assurer une production agricole suffisante et pour éviter des pandémies.

En conséquence, un projet politique qui a pour objectif de garantir la satisfaction de nos besoins physiologiques doit travailler à la régénération de nos conditions d'existence : air, eau, sols, biodiversité...

• Pour répondre à nos besoins d'éducation, de formation, de communication, de déplacement... il nous faut des ressources :
du temps bien sûr (voir plus bas), des ressources humaines, mais aussi des ressources physiques : matières premières et énergie.

En conséquence, un projet politique qui a pour objectif de garantir la satisfaction de nos besoins d'éducation, de formation, de communication, de déplacement… doit travailler à mettre en place un système économique qui assure la pérennité des ressources planétaires en quantité suffisante, que ce soit en termes de matières premières ou d'énergie.

• Pour répondre à nos besoins de maîtrise de notre vie, de liberté, de justice, de dignité, d'appartenance, de liberté d'expression... nous avons besoin de vivre dans une société qui soit juste, qui permette à chacun et à chacune d'être reconnu comme membre de la communauté, d'avoir du pouvoir pour agir sur sa vie et sur la vie commune...

En conséquence, un projet politique qui a pour objectif de garantir la satisfaction de nos besoins de reconnaissance, d'empouvoirement*, de liberté...
doit travailler à mettre en place des systèmes de décision qui reconnaissent la légitimité de chacun et chacune à participer réellement à la décision collective, et organisent cette participation pour qu'elle soit effective.
En un mot, tout ce qui assure un fonctionnement démocratique.

• Pour répondre à nos besoins d'éducation, de santé, de justice, de déplacement, de logement, de sécurité... nous avons besoin que notre organisation sociale soit adaptée. Il nous faut par exemple un ou des systèmes éducatifs qui fonctionnent, un ou des systèmes de santé efficaces, des systèmes et réseaux de transport, etc.

En conséquence, un projet politique qui a pour objectif de garantir la satisfaction de nombre de nos besoins essentiels doit travailler la manière d'organiser ces systèmes : échelles, fonctionnement...

• Pour répondre à nos besoins d'épanouissement, de lien avec les autres, de sentiment d'utilité, d'autonomie, d'émancipation, de dignité... il faut que chaque personne puisse accéder à une activité rémunérée adaptée et générant des revenus suffisants, et aussi que chaque personne puisse disposer de suffisamment de temps pour des activités non rémunérées.
De même, chaque personne doit pouvoir accéder librement à la connaissance, à la mobilité...

En conséquence, un projet politique qui a pour objectif de garantir la satisfaction de ces besoins doit travailler mettre en place une organisation qui assure une juste répartition du travail et des revenus du travail, mais aussi du temps libre.

Annexe : Tableau récapitulatif besoins / conditions / axes de travail / grandes lignes du projet



Qui sommes-nous ?